35 heures pour les profs, voilà un sujet sensible auprès des enseignants du secondaire. Pour démarrer ce débat, je pense qu'il ne faut pas mélanger temps de classe devant les élèves et temps de présence dans les établissements.
Pour permettre aux enseignants d'être présents et de pouvoir travailler, soit en préparant leurs interventions, soit en étant disponibles pour répondre aux demandes des élèves (qui eux sont parfois beaucoup plus que 35 heures dans les collèges et lycées et qui ont encore beaucoup de travail à la maison....), il faut revoir l'organisation des établissements, les plannings de cours. Il faut également "échanger" cette présence supplémentaire par une évolution des conditions de travail. Disposer d'un bureau, d'une salle par discipline pour recevoir les élèves individuellement ou en groupe, réduire le nombre d'heures de cours dans une journée pour les étaler sur l'ensemble de la semaine et permettre aux enseignants de s'investir dans d'autres activité que leur stricte spécialité (groupes de théâtre, de lecture, de poésie, classes de pratique musicale ou d'art plastique, de conversation en langue étrangère, de jardinage, de butinage culturel), tout cela participe d'une évolution du métier d'enseignant.
Nous sommes aux antipodes de nos pratiques françaises qui ne savent pas créer de connivence entre les élèves et les apprentissages. La créativité des pratiques est limitée par les exigences du "programme" . Il existe peu de lien entre un prof qui ne fait que passer et qui donc ne partage rien d'autre que la transmission du savoir académique dans la vie des collèges.
Regardons ce qui se passe ailleurs, en particulier sur les années collège qui sont les pires pour les jeunes car ce sont celles des hormones et des transformations des corps et des pensées. Ce sont les pires pour les enseignants qui ne savent plus comment intéresser plus de 10 minutes ces élèves qui sont coincés entre l'enfance et l'adolescence. D'autres systèmes imposent la présence continue des enseignants pendant la présence des élèves, en ayant conscience des moyens que cela suppose. Souvent d'ailleurs, ce sont des systèmes où la communauté éducative, impliquant fortement les familles dans la vie scolaire et extra scolaire, est porteuse d'un partage des tâches et des responsabilités reconnues de chacun, y compris au sein des établissements.
Ce serait une révolution pour nous, dans une éducation nationale qui est une institution qui reste bloquée sur des schémas dépassés malgré les nombreux profs et autres salariés qui inventent chaque jour de nouvelles façons de vivre l'éducation de nos enfants
Beau sujets de fâcheries en perspective....
Le 18 mai dernier, j'avais commis cet article que je pensais être utile au débat car posé et prenant en compte les problèmes que cela pose. Le sujet est tellement sensible que j'ai eu quelques réactions difficiles et excessives me renvoyant à ma condition de parent qui se désintéresse de ses enfants (jusqu'à un parallèle avec la politique d'Hitler aujourd'hui posté par Fabien Granjean que je remercie de sa sollicitude en me faisant découvrir Platon moi qui n'ait pas réussi à l'école).
C'est désespérant si on ne peut plus avoir aucun débat sans être mis en cause immédiatement comme un suppôt de ceci ou de celà.
Certain ne lisent plus, n'écoutent plus, les mots n'ont plus de sens. Tout devient sujet à interprétation orientée.
Je suis fatigué de ces lecture partielles et partiales qui prennent 3 mots dans un texte d'une page, qui prennent 2 minutes d'images dans une réunion d'une heure. Ce ne sont pas des pratiques saines et j'ai peur pour la Gauche.
Rédigé par : Laurent Pieuchot | 11 novembre 2006 à 18:21
Monsieur,
Vous parlez, avec quelque exagération (ou généralisation abusive), des « ... enseignants qui ne savent plus comment intéresser plus de 10 minutes ces élèves qui sont coincés entre l'enfance et l'adolescence... »
Mais il faudrait d'abord, cher Monsieur, que les parents fassent leur travail avant de songer à réformer celui des professeurs. Vous donnez l'impression de compter sur eux pour vous remplacer à votre poste.
Quant à cette expression: « de nouvelles façons de vivre l'éducation de nos enfants », elle me paraît symptomatique du malaise des parents: un professeur ne « vit » pas l'éducation de vos enfants, il dispense un enseignement. Vous semblez tout confondre. Il ne suffit pas de faire des enfants, il faut encore les éduquer, et c'est votre travail de Papa et de Maman, y compris, pour reprendre encore une autre de vos phrases, « en étant disponibles pour répondre à leurs demandes » quand ils sont de retour de l’école...
Quant à votre façon de mettre insidieusement les professeurs sur un pied d'égalité avec les enfants (quand vous dites de ces derniers qu’ils « sont parfois beaucoup plus que 35 heures dans les collèges et lycées et [qu’ils] ont encore beaucoup de travail à la maison.... »), elle est sans doute moins symptomatique du mépris dans lequel on tient aujourd’hui les profs, que de votre rapport à vos propres enfants. Et c'est bien là tout le problème...Si vous n’avez aucune autorité (la capacité de l’auctor, de l’auteur, je le souligne, et non pas celle du père Fouettard), comment voulez-vous que nous vous relayions ou même que nous vous remplacions?! Si vous n'apprenez pas à vos enfants ce qu’ils doivent savoir pour devenir des élèves (le respect de l'autre, de l'adulte, du savoir, l'obéissance, etc.), alors aucun enseignement n'est possible, ni même aucune nursery ou garderie « animée » (selon les voeux de Ségolène Royal)... VOUS ETES LEURS PARENTS. Ou bien, on y revient, il faut que le professeur se substitue à vous. Mais alors ce ne sera plus une simple évolution, ni même une révolution du métier qu'il a choisi, ce sera sa destruction pure et simple, ainsi que la mort de la famille, car il faudrait dès le berceau s'occuper de vos mômes... et pas seulement à partir du collège...
Hitler n'avait-il pas eu de telles idées, comme en général les totalitarismes...?
Pour nourrir en profondeur la discussion, je vous donne à méditer ces lignes de Platon, fondateur de l’Académie et maître du fondateur du Lycée, Aristote, bref les inventeurs de l’Ecole, skolè (l’activité [vraiment] libre) :
« — Socrate : N’est-ce pas le désir insatiable de ce que la démocratie regarde comme son bien suprême qui perd cette dernière ?
— Glaucon : Quel bien veux-tu dire ?
— La liberté, répondis-je. En effet, dans une cité démocratique tu entendras dire que c’est le plus beau de tous les biens, ce pourquoi un homme né libre ne saura habiter ailleurs que dans cette cité […]. Or […] n’est-ce pas le désir insatiable de ce bien, et l’indifférence pour tout le reste, qui change ce gouvernement et le prépare à avoir besoin de la tyrannie. […] Lorsqu’une cité démocratique, assoiffée de liberté, trouve dans ses chefs de mauvais échansons1, elle s’enivre de ce vin pur au-delà de toute décence : alors, si ceux qui la gouvernent ne se montrent pas tout à fait dociles et ne lui font pas large mesure de liberté, elle les châtie [...]. Et ceux qui obéissent aux gouvernants, elle les bafoue et les traite d’hommes serviles et sans caractère. Par contre elle loue et honore, dans le privé comme dans le public, les gouvernants qui ont l’air de gouvernés et les gouvernés qui prennent l’air de gouvernants. N’est-il pas inévitable que dans une pareille cité l’esprit de liberté s’étende à tout? [...] Qu’il pénètre, mon cher, dans l’intérieur des familles, et qu’à la fin l’anarchie gagne jusqu’aux animaux ? [...] Dans une pareille cité, le père prend l’habitude de se rendre semblable à l’enfant et d’avoir peur de ses fils ; le fils, de son côté, de se rendre semblable au père et de ne respecter ni craindre ses parents, et cela pour être libre (…). Le maître a peur de l’écolier et il l’adule ; l’écolier a le mépris du maître ; d’une façon générale les jeunes donnent l’air d’être les vieux et ils leur tiennent tête en paroles comme en actes, tandis que les vieillards, pleins de condescendance pour les farces de la jeunesse, se gorgent de badinage à l’imitation de cette jeunesse afin de ne pas passer pour des gens moroses et pour des despotes […] Or, vois-tu le résultat de tous ces abus accumulés? Conçois-tu bien qu’ils rendent l’âme des citoyens tellement ombrageuse que toute contrainte que l’un d’eux voudrait s’imposer à lui-même, l’irrite et lui est insupportable? Et ils en viennent à la fin, tu le sais, à ne plus s’inquiéter des lois écrites ou non écrites, afin de n’avoir absolument aucun maître.
— Je ne le sais que trop, répondit-il.
— Eh bien! mon ami, c’est ce gouvernement si beau et si juvénile qui donne naissance à la tyrannie. »
PLATON ( 428 – 348 av. J.-C.), La république, 562 b-564 e.
Bien à vous, Fabien Grandjean
Rédigé par : Fabien Grandjean | 10 novembre 2006 à 23:24
En Angleterre ou en Allemagne, les enseignants(du primaire et secondaire) restant 35 h dans les établisements perçoivent entre 4 et 5000 euros par mois .En France , même pas la moitié.
Par conséquent, quand on parle de 35 h il faudrait parler du salaire.
Le bénévolat , ça suffit !
Eric,
Je suis parfaitement d'accord avec votre analyse, c'est d'ailleurs ce que je dis : il faut avoir conscience des moyens que cela suppose : locaux, reconnaissance du temps passé, aménagement des horaires des enseignements, fonction dans un seul établissement.
Cela aurait quelques avantages pour les profs qui, aujourd'hui, ont à jongler entre 3 collèges et 10 classes..... et la remise en cause des dérives d'un système qui se perd dans la complexité. Je crois qu'il faut lancer ce débat, sans idées préconçues, pour le plus grand bénéfice pour les élèves. Enseigner est une profession noble, pas un saccerdoce.
Rédigé par : eric | 10 novembre 2006 à 13:53