Camille Putois, aujourd’hui Chef de cabinet de Ségolène Royal, a été
chef du bureau des élections et des études politiques au Ministère de
l’Intérieur. Dans ses fonctions il y avait l’implantation des
ordinateurs de vote. En avril 2006, lors du colloque de l’AMGVF
(Association des Maires de Grandes Villes de France) elle a évoqué
quelques « points à régler » avant de généraliser les scrutins avec des
ordinateurs de vote :
« … la confiance de l’électeur doit être préservée : aujourd’hui
n’importe quel électeur, quel que soit son bagage intellectuel ou
culturel, peut contrôler une élection : l’urne est transparente, il
reste là, il voit, il dépouille. Un dépouillement, c’est vraiment des
électeurs venant de tous horizons qui y participent. Avec les kiosques
électroniques, ce n’est plus possible. »
Camille Putois nous dit là que le vote électronique n’est ni transparent, ni contrôlable par l’électeur moyen.
« Il faut que cette confiance qui est aujourd’hui visuelle, matérielle,
soit remplacée par une confiance d’une autre nature, mais qui ne doit
pas être plus faible. » Cette question de la transparence est bien la
question qu’il faudrait résoudre. Si l’on en reste aux ordinateurs de
vote actuels, il est clair que personne n’a idée de comment y parvenir.
« … on a un système de contrôle des candidats qui est visuel, matériel.
Les candidats ont des représentants dans chaque bureau de vote. Il faut
que ce contrôle perdure…. ». Là encore, Camille Putois nous signale que
la vigilance s’impose face au déploiement des ordinateurs de vote.
La démocratie c’est le pouvoir du peuple, par le peuple, pour le peuple... C’est en tout cas ce qu’on nous apprend à l’école.
Cela dit, dans nos société contemporaines, à part la Suisse, réunir le peuple pour prendre chaque décision importante (déclarer une guerre, modifier la constitution, construire un nouveau porte-avions, réformer les retraites...) est trop compliqué et trop coûteux ! En fait, quand certains ont le courage de le faire, il se trouve parfois que le peuple est contre. L’idée de la démocratie participative a été descendue en flammes par les édiles et les élites. Merci à Ségolène Royal d’avoir osé penser nous redonner une place, à nous citoyennes et citoyens, dans le processus de décision. Nous ferons tout pour vous élire, sauf signer un chèque en blanc pour les ordinateurs de vote. Dans ma commune, Issy-les-Moulineaux, le résultat, quel qu’il soit, et même si vous êtes en tête, sera entaché du doute et moins légitime qu’ailleurs. Dommage….
Aujourd'hui, dans notre République, pour éviter que nous ne soyons trop présents dans les décisions publiques, il est donc de tradition de nous solliciter tous les 4, 5 ou 6 ans.
Mais même comme cela, c’est encore trop pour certains, car le peuple a ses humeurs et rejette ceux qui croient avoir carte blanche. Alors certains caressent le rêve d’élections sans débats (remarquons qu’un seul candidat, le sortant de l’UMP aujourd’hui les refuse).
Pourtant, la démocratie, ce n’est pas seulement mettre un bulletin dans une urne ou appuyer sur un bouton. La démocratie, c’est être ensemble. Ensemble pour échanger, débattre, ensemble pour voter et dépouiller les résultats. Le vote est autant un moyen de prendre des décisions qu’un moment privilégié, régénérateur de la confiance collective sans laquelle toute société disparaît face à une collection de trajectoires individuelles.
Ceux qui refusent le débat rêvent aussi d’un vote électronique : on commence par les machines à voter, ensuite si ça marche, on améliorera le dispositif pour voter de chez soi, tout sera vraiment possible.
Ces ordinateurs de vote, tous les informaticiens le disent, ne sont que qu’un dispositif programmable. Si l’on a un contrôle sur le paramétrage de la machine et sa fiabilité, le programme est la créature du programmeur. Il est toujours possible de dissimuler une instruction secrète dans un code source. La sécurité de ces machines est illusoire. (on lira à ce propos les mises au point de Chantal Enguehard sur Agora Vox)
« … améliorer les conditions matérielles du vote , le rendre plus accessible, cela peut aider. Toutefois, il ne faut pas se faire d’illusions, la participation, sa baisse ou sa progression, est liée à des causes plus larges, beaucoup plus profondes, que les conditions matérielles ou techniques du vote. C’est lié au sens de la politique, à ce qu’on attend de la politique, est-ce que les électeurs sont contents de la manière dont on leur demande leur avis. Pensons aux États-Unis où les machines à voter sont beaucoup plus développées, et le taux de participation beaucoup plus faible. Il n’y a donc absolument pas de corrélation… » expliquait Camille Putois aux maires des grandes villes de France.
Nous vivons une crise de confiance, et pour la résoudre, on propose de mettre encore plus de distance entre les électeurs et les élus. La solution préconisée serait d’interposer une boîte noire, sujette à toutes les manipulations et génératrice de fantasme.
Ceux qui nous disent, en dernier recours face à nos arguments sur le doute que « on peut aussi tricher avec le vote manuel », se rendent t’ils compte qu’ils dénigrent notre fonctionnement démocratique. Autant nous dire : la démocratie parfaite n’existe pas, passons tout de suite à la dictature !
C’est un crime contre le peu de confiance qui subsiste encore chez les électrices et les électeurs. Nous voulons un système transparent.
Rappelons nous que la dernière présidentielle s’est jouée à 200 000 voix. Dans 2 semaines, il est prévu de confier 1,5 million de « bulletins » aux ordinateurs de vote.
Il faut aller voter, il faut une participation massive pour contredire ceux qui veulent nous dégoûter de l’acte démocratique.
PS (si j'ose dire...) L'intégralité de l'intervention de Camille Putois et les commentaires éclairés de Pierre Muller sur ordinateurs-de-vote.org
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