Issy-les-Moulineaux a de nouveau montré les limites de l’exercice d’une modernisation partielle et imposée de notre système de vote en continuant à utiliser les machines à voter.
La modernité supposée de ce procédé n'est plus partagée. Depuis 2008, le Conseil constitutionnel a imposé de geler la liste des communes autorisées à les utiliser et de nouvelles règles plus contraignantes ont été fixées. Seulement 64 villes utilisent encore les machines à voter. A l'étranger, tous les pays qui s'étaient engagés dans cette voie sont revenus en arrière. Un groupe de chercheurs montre, à chaque élection, que l'ensemble des villes équipées de machines à voter connaissent un taux d'erreur 10 fois supérieur à un groupe de villes test votant traditionnellement.
Plusieurs facteurs expliquent cela. C'est d'abord un système coûteux. A Issy-les-Moulineaux la facture se monte à 200 000 euros pour les seules locations des machines.
La dématérialisation du vote le rend intrinsèquement invérifiable. Les machines à voter utilisées à Issy-les-Moulineaux ont bien été contrôlées par un cabinet expert. Le contrôle a porté sur les éléments physiques des machine. Jamais, même lors de leur homologation, les logiciels n'ont été examinés par des experts indépendants. Ils sont protégés par le secret industriel du fabriquant américain.
En France, le vote est heureusement anonyme. Pour pouvoir vérifier que le programme informatique qui enregistre et valide les votes soit réellement sans problèmes, il faudrait s'appuyer sur une trace, et donc pouvoir vérifier le vote de chacun. Sauf à inventer des dispositifs très complexes d'impression ou de scannage de bulletin qui coûterait trop cher, cette solution n'est pas envisageable. Les machines ne permettent pas d'être absolument certain de la sincérité du résultat pour l'ensemble des citoyens.
Les conditions du vote sont également mises en cause. En effet, dans note Code électoral, il ne peut y avoir qu'une urne par bureau. Les machines à voter sont à la fois isoloir et urne. Beaucoup d’électeurs disent regretter de se trouver « isolés » en pleine vue au milieu du bureau de vote. Même si personne ne peut voir leur choix, ils se sentent sous le regard de ceux, nombreux, qui attendaient leur tour. Dans plusieurs bureaux, nous avons observé la pression et le non respect des règles du Code électoral par des présidents voulant accélérer le processus afin de limiter le temps d'attente. Manifestement, les machine ne garantissent pas le secret absolu et la sérénité de l’électeur au moment du choix ultime avant de voter.
Le vote électronique à Issy-les-Moulineaux a clairement montré que le changement d’un seul des éléments sans une réflexion d’ensemble de notre organisation de vote entraîne des erreurs et des dysfonctionnements préjudiciables l’ensemble du scrutin. Cela remet en cause ce qui fait la force actuelle de nos scrutins : le secret absolu du choix de l’électeur, la transparence et la sincérité absolue du résultat collectif. Imaginons que l'informatique soit utilisée pour gérer les listes électorales, les signatures. C'est là que se situent les points d'attente.
Lors des élections, il n'y a plus de délégation de pouvoir, il n'y a plus de mandat aux élus. Seuls les électeurs comptent. Ne laissons pas nos choix démocratiques au mains des seuls techniciens. Voter prend du temps, compter prend du temps. La vitesse n'est pas nécessairement un gage de progrès social. Retrouvons le temps et les règles de notre démocratie.
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