Mes chères et chers collègues,
Je viens de découvrir sur le site notre ville que "les Conseillers de quartiers organisent des permanences de marché et de quartier en vue de familiariser les électeurs isséens avec le fonctionnement des machines à voter qui seront utilisées à l'occasion des élections présidentielles et législatives."
Utiliser les conseillères et les conseillers de quartier pour valider l'utilisation de nouvelles technologies est une initiative intéressante. Cela permettra à toutes et à tous de comprendre comment fonctionnent réellement ces ordinateurs et pourquoi ils constituent une régression inadmissible dans notre dispositif de vote par rapport au système actuel. J'espère en tout cas que vous défendrez la transparence du système de vote français, quel que soit le dispositif mis en place.
La démocratie est le pouvoir du peuple. Ce dernier, par l'élection, confie l'exercice du pouvoir à des représentants. Le jour de l'élection, le peuple reprend le pouvoir pour redonner mandat à ses représentants. Notre système manuel de vote repose sur deux piliers : la garantie de l'anonymat du vote (personne ne doit savoir pour qui nous votons) et la transparence du dépouillement réalisé par les électeurs qui redonnent le pouvoir pour un mandat. L'isoloir, institué en 1913, avec l'urne transparente qui apparaît en 1988 afin de permettre à tous de voir les votes sans en connaître la teneur, garanti le premier pilier. Le dépouillement public est le deuxième axe de la validation du scrutin : les enveloppes sont comptées, leur nombre doit correspondre au nombre d'émargements. Elles sont ensuite regroupées par 100, chaque paquet étant dépouillé selon un rituel connu, sous le regard des électeurs présents, par des groupes de 4 citoyens volontaires. Chaque cent donne lieu à un bordereau récapitulatif, signé par les scrutateurs. Les procès verbaux récapitulent ces bordereaux une fois l'ensemble du dépouillement réalisé. Alors est connu le résultat du bureau de vote et les bulletins peuvent être détruits en présence des électeurs.
Les ordinateurs de vote ivotronic que le maire a décidé d'acheter ne garantissent aucunement la sincérité des votes.
Elles présentent indéniablement un progrès dans l'ergonomie et l'accessibilité au scrutin pour les personnes atteintes d'un handicap. Elles facilitent le travail des services municipaux. Les 114 critères d'agrément du ministère de l'intérieur portent essentiellement sur l'ergonomie des machines et leur accessibilité. Il n'y a aucun critère d'évaluation du logiciel de fonctionnement de l'ordinateur.
Se pose alors la question de la sincérité du résultat. En effet, tout peut paraître "normal" à l'électeur, mais rien ne lui garanti que c'est bien le vote qu'il a effectué qui a été comptabilisé dans la mémoire de l'ordinateur. La machine donnera un résultat qui paraîtra normal, mais on ne sait pas comment il aura été établit. Il ne sera pas possible de faire la preuve d'un mauvais comptage, intentionnel ou accidentel.
Nous sommes obligés de faire une confiance aveugle au logiciel interne. On sait pourtant que l'informatique en général n'est pas fiable. Les rapports et les preuves d'erreurs ou de dysfonctionnement de ces machines à voter sont nombreux. On sait aussi que personne n'a jamais pu examiner ces logiciels qui ne sont pas protégés contrairement à ce qu'affirme le fabricant. On sait que n'importe quel informaticien peut, en amont, pirater le logiciel pour y mettre des instructions aléatoires qui ne seront pas détectables aux citoyens qui tiendront les bureaux de vote.
Contrairement à ce que dit M. Santini, le logiciel de ces machines n'est pas publics. Le bureau Véritas a eu seulement accès aux présentation du constructeur américain qui a interdit au gouvernement français des expertises indépendantes. ES&S, le constructeur américain est d'ailleurs poursuivi au pénal par certains États américains pour obstruction au contrôle.
Ce "trou noir" dans le dispositif électronique introduit le doute. La démocratie ne peut pas fonctionner sur le doute du résultat. La légitimité des personnes élues qui repose sur l'intégrité du scrutin devient contestable.
Puisque les supporter de ces ordinateurs de vote ne peuvent pas dissiper ce doute tant que les logiciels ne seront pas contrôlés par des organismes indépendant comme le demandent la CNIL et l'OSCE, ils accusent maintenant ceux qui alertent l'opinion d'être "allergique au progrès" (A. Santini lors d'une table ronde organisée par la Fondation pour l'innovation politique le 1er mars).
La modernité sans questions n'est pas nécessairement une avancée. Le progrès est bien d'améliorer ce qui existe sans perdre les qualités de ce que l'on fait évoluer.
Les machines à voter actuelles sont peut-être un progrès pour les systèmes démocratiques comme les Etats-Unis qui n'ont pas encore atteint notre niveau de transparence. Leur système démocratique est toujours en évolution et les incidents de ces machines poussent le Congrès américain, Républicain et Démocrates unis, à imposer par la loi une nouvelle génération de machines qui permettront une meilleure transparence et un recomptage des voix en cas de doute sur le résultat.
Nous avons acheté à Issy-les-Moulineaux les machines que le nouveau gouverneur républicain de Floride, succédant à Jeb Bush le frère du Président, a décidé de mettre à la casse les ivotronic pour les remplacer par des ordinateurs qui permettent l'édition d'un ticket validé par l'électeur.
Aujourd'hui, ce n'est donc pas un réel progrès que de s'équiper de machines obsolètes dans leur pays d'origine sous prétexte d'améliorer notre système électif. Il faut améliorer la fluidité de notre dispositif, permettre le vote de tous, rendre le résultat accessible plus rapidement pour les média. Pour cela le progrès technique doit accompagner ces améliorations, sans nous faire perdre la transparence et le contrôle citoyen que beaucoup d'autres pays nous envient.
J'espère que ces éléments et les preuves que vous pourrez trouver dans les liens ci-dessous vous montreront que nous ne sommes pas dans une opposition de principe mais dans la recherche d'une action conjointe pour améliorer notre démocratie. Les dangers des ivotronic sont réels, le doute sur la comptabilité des votes et le mode de construction des résultat ne sont pas tolérables. Ces machines ne sont pas acceptables en l'état.
Bien cordialement
;o)lp
Des liens pour en savoir plus
- La réponse de Benoit Sibaud, expert en NTIC, aux propos de M. Santini sur les machines à voter ivotronic
- Le rapport d'experts en Floride sur les défauts du système (OS) de la machine ivotronic ayant abouti à sa mise au rebut par le gouverneur de l'État (voir en particulier la page 57). C'est en anglais.
- un article de la revue Légalis de décembre 2006
- une vidéo de i>TELE sur les machines "fiables" utilisées à Antony
- mon blog pour les infos données au Conseil municipal
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